mardi 17 janvier 2012

A l'autre bout de soi

Ses yeux s'ouvrent lourdement. Noir. Il fait totalement noir. Une artère de métal l'enserre. Il ne peut ni se lever, ni reculer. Allongé là il écoute son coeur lui crier "au secours" à grands battements saccadés.
La boule s'installe au creux de son ventre. L'angoisse monte, la vie l'étreint, urgente et terrible.
Le choix est là : s'il ferme les yeux le lourd, trop lourd sommeil l'attend...

Dans un effort immense il avance un coude, y met son poids, le poids terrible de ses trente ans passés, de ses terreurs enfouies, de l'ombre qui habite au creux de lui.
Il rampe. Un coude, un autre.

Où êtes-vous les miens, ô vous que j'ai aimés ? Le soleil de mes jours, ma passion désaltérante, mes petits brins d'herbe semés au vent. Qu'ai-je donc fait de vous en cet enclos étroit qui oppresse mon être ?

Un objet sur sa hanche heurte le tuyau. Qu'est-ce donc ? Il tend sa main gantée, s'en saisit, tâtonne.
Et la lumière est, et la lumière fut.
Il rallume la lampe, éclaire son chemin. On avance plus vite, on avance plus fort quand les ténèbres soudain s'écartent du halo.
Mais le chemin est long et la lumière ténue.

Des poussières inconnues lui tombent sur le visage, l'obligeant à fermer les yeux ou à subir leur attaque brûlante. Jour ou nuit, souffrance ou repos, les paupières décident et passent de l'un à l'autre.
Il rampe, c'est ardu et chaque pas prélève sa dîme.

Et vous qui m'avez blessé au coeur même de mon coeur, au coeur même de mon moi, où êtes-vous passés ? Le temps est fini où je courbais l'échine, où j'appelais amour la servitude de ne plus être moi afin de vous plaire. Venez donc que je crie, que je hurle, que je rie ! Je ne veux plus de vous, je prends votre pouvoir.

Il trébuche et au lieu de se cogner le front sent quelque chose posé là sur sa tête. Des lunettes ! Pleurez, poussières, pendant que je souris, vous ne me faites plus rien.

Il est léger enfin, ses muscles se réveillent. Une mélodie étrange cours le long de ses os. 
Vie ! Vivons, vivez, vivra !
Aérien, à toute allure, il rampe encore et sent contre ses genoux le métal dur et froid.
Soudain, devant, le ciel bée, l'herbe lance vers lui son vert affolant, la ligne de l'horizon le tire vers le dehors.
Rampe, rampe !

Il est au bout ! Il est arrivé tout au bout de lui. Il s'arrête, s'appuie, relève les lunettes, sourit un peu.
J'arrive, les miens. Je sors enfin de moi, j'ai semé mes démons. Je suis enfin là, je suis enfin moi. Et j'ai besoin de goûter au miel de vos regards.

De sa petite lampe il fait signe au soleil.




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